Mais avant de partir vers la Casamance, on décide de se reposer un peu. On part donc avec Jean Francois du voilier Tiki pour une nav' de 8 heures à travers les bolongs pour finir à la pointe Jackonsa, à l'embouchure du fleuve Diombos.

On a failli toucher deux fois en cours de route car il y a toujours des endroits avec peu d'eau. On jette l'ancre à 16 h devant une plage de sable fin. Thimshel 2 nous rejoint par la mer.

On restera seuls devant cette plage déserte durant trois jours. Les seules rencontres sont des douaniers, car il y a du trafic avec la Gambie toute proche, et des pêcheurs à qui on achète du poisson pour faire un barbecue sur la plage.

On quitte la pointe Jackonsa à la fin de l'après-midi avec Thimshel 2. La sortie est très difficile car il y a peu d'eau mais on a des points GPS précis et tout se passe bien. Après une nuit en mer, on se présente à l'entrée de la Casamance. Ca ressemble à l'embouchure de notre Gironde, il y a beaucoup de bancs de sable où la mer déferle.

On ne trouve pas la bouée d'atterissage, elle a du être emportée. Mais on repère celle du chenal et deux heures aprés on mouille devant l'île de Karabane à l'entrée de la rivière. Jean François et son Tiki sont là. On reste deux jours au mouillage.

Puis on part à Ziguinchor à trente cinq milles nautiques à l'intérieur des terres. C'est la capitale de la région. On fait comme sur la Gironde : on attend la marée montante pour profiter du courant qui est assez fort. On arrive à 18 h sur place.

Et là il y a une dizaine de voiliers au mouillage. Ca fait exactement cinq semaines qu'on est parti de Dakar et depuis on n'a pas vu un seul voilier autre que ceux de VSF, ni vu d'autres toubabs (des blancs) ni vu ou entendu une voiture ou un bus.
Ca fait tout drôle ce retour à la civilisation. Et il y a le Wifi à l'hotel devant le bateau!!
Le lendemain, je téléphone à Ousmane qui doit réceptionner les colis que je transporte depuis le mois d'août. Il dirige une garderie dans une banlieue de Ziguinchor. C'est le jour de la Tabaski, ou Aid el Kébir chez nous. Fête très importante pour les musulmans en souvenir du sacrifice d'Abraham. Toutes les familles tuent un mouton. Ousmane nous invite chez lui, on restera dans sa famille toute la journée. Il a une grande famille et a tué deux moutons.

On se régale et on rencontre beaucoup de monde car les gens se font des visites de politesse toute la journée. En fin d'après midi, nous partons avec Ousmane faire des visites à plein de personnes et on est très bien reçus dans toutes les maisons. Le soir, re-mouton et retour au bateau.
Puis il faut faire des courses, on n'a plus rien à bord. On craque devant un camembert. Dur de perdre nos habitudes. On mange énormément de crevettes. Elles sont péchées sur la rivière et sont très bon marché. Au niveau fraîcheur, il y en a qui ont sauté de la poêle à la cuisson. Qui dit mieux?
On repart ensuite à deux heures de moteur vers un petit village très isolé sur un tout petit bolong trés sinueux : Djilapao.

C'est un village catholique et donc pour Noël on pourra avoir du cochon.
On est 4 bateaux et 20 blancs. On négocie l'achat de deux cochons et la préparation du repas du réveillon par les femmes du village. On paye tout et on invite tous les habitants à manger avec nous. Ils sont une cinquantaine de personnes. Le matin de Noël, on va choisir les bestiaux. Puis ils sont emmenés sur la plage pour être tués. Aussitôt mis en morceaux pour la cuisson, un cochon grillé et un autre cuit en sauce avec beaucoup d'oignons.

Et la fête peut commencer. Service dans des grandes gamelles, les toubabs ont, pour certains, emmenés couverts et assiettes, sinon on mange tous avec les doigts directement dans la gamelle.
Comme nous ne sommes plus en village musulman tout le monde fait honneur au vin que nous avons emmené. Puis place aux tam-tams et danseurs jusque tard dans la nuit avec pour tout éclairage le feu de camp et la pleine lune.
On restera encore trois jours à Djilapao au milieu de tous ces villageois tous très sympa. Désiré, le chef du village, Ernestine, qui nous a mijoté un bon repas avec deux baracoudas pêchés par François, Jules César, Pierre, Esprit, Marc, Elie Joel, Ciriac, Nicolas , Félix et je ne peux pas tous les citer.
On repart le jeudi en emmenant deux jeunes du village : Etienne et Corentin qui doivent se rendre comme nous à Ziguinchor.

J'apprends à barrer au plus jeune, Etienne, et il est heureux comme tout. Pendant ce temps, Tove initie Corentin au Sudoku.
Là, avec l'aide de Ousmane le responsable local de l'association Kassoumaye, je dédouane les colis que j'ai emmené de France et je décharge tout. Je les aurais trimballé un paquet de fois ces colis, mais maintenant j'ai enfin moins de poids et plus de place à bord.
On se fait un dernier repas avec Jean François, notre coordinateur de mission, et notre cuisinière Claude, Henriette et leur fille. Grosses crevettes au menu. Il y en a beaucoup en Casamance et c'est vraiment pas cher du tout.

On passe le réveilllon de la Saint Sylvestre à Ziguinchor avec Jean Francois de Tiki et Francis, Katherine et Nicolas de Timshel 2, plus leur famille venue de France. Resto puis boîte de nuit : que du classique!
Nos routes vont se séparer avec ces deux bateaux : Jean Francois avec qui on se suit depuis Dakar et toute la mission médicale. Il se prépare à partir pour le Brésil et veut y être pour le carnaval. Quant à Timshel 2, il doit remonter sur Dakar car il participe à la deuxième mission de VSF dans le Siné Saloum. Rendez-vous est pris pour l'été prochain en France.

On refait les pleins de gazoil, d'eau et de produits frais et on repart le 3 janvier vers les petits villages de Casamance, le premier étant Affiniam au fond du bolong de Diagoubel.

Une fois de plus la quille passe à 20 cm du fond dans un passage difficile juste à l'arrivée.
Le village est tout en longeur sous des arbres gigantesques. Comme d'habitude, on est bien accueillis, ça discute et ça papote de tout et de rien. On va visiter un barrage au dessus du village. Il a été fait par les chinois pour empêcher l'eau salée de remonter trop loin dans les terres.

On est quand même à 20 km à l'intérieur des terres. C'est efficace, mais ceux qui sont sous le barrage ont vu la salinité augmenter fortement et ça a modifié l'écosystème. Il y a des crocodiles dans la retenue, mais malgré deux heures de ballade on en a pas vu.
Autre curiosité du village, un immense verger créé par des religieux Canadiens. Beaucoup d'agrumes qu'ils vendent sur place ou à Ziguinchor. Il ne reste que deux prêtres qu'on a pas vu, par contre ils ont une 4L immatriculée en France, dans les Hautes-Pyrénées car elle vient de Lourdes.
On fait le plein de clémentines et de miel.

Le reste, ca sera pour plus tard car ils commencent juste à planter les aubergines, tomates, poivrons, courgettes etc, etc.
On visitera aussi Boutem, un village à une heure de marche mais par des chemins ombragés. Nous assisterons à la messe dominicale, chants et tam-tams.
On restera quatre jours là, on est le seul bateau dans le bolong, on fainéante sans remords.
Le seul boulot sera de presser des citrons qu'on nous a offert. Il y a des citroniers partout dans le village. J'en tire trois litres de jus. On poura faires des poissons cuits au citron, des citronades et surtout des ti-punch jusqu'à la fin de la croisière.

Il y a plein de petits chemins dans la mangrove, le tout c'est de savoir où passer et Monsieur-je- sais-tout montre le chemin!!!!

On quitte Affiniam le 7janvier, on reprend la Casamance vers la sortie pour aller à Niomoune, un autre petit village. On part à marée haute pour que le courant descendant nous aide à progresser. Le vent est fort pendant deux heures et on fait de la voile. C'est rare car sur la rivière on fait beaucoup de moteur : ce qu'on n'aime pas car le gazoil est au tarif français!
Vu qu'on est parti à marée haute, on arrive quatre heures après à l'entrée du bolong presque à marée basse. On jette l'ancre pour attendre la renverse. Les dauphins nous offrent un beau spectacle. Ici ils sont énormes, et ils sont contents car ils font beaucoup de cabrioles.

On sait que le bolong qu'on va prendre est peu profond par endroit. Une heure aprés la marée basse on repart. J'aurais bien attendu que ça monte plus mais la nuit arrive vite ici et il est déjà 18 h. On a une heure de jour et une heure de nav', donc on y va. Prudemment. A l'entrée, il y a des bancs de sable partout. On avance, le sondeur remonte vite, marche arrieère, on essaye plus loin, ça passe mais juste. Dès que le Pjuske est dans le bolong les fonds redescendent. On fonce. Dans une grande boucle, on parle de tout et de rien, je suis un peu trop à l'intérieur du virage. Un coup d'oeil au sondeur. Ca remonte en flèche.
On avait 6 m, il y a trente secondes, là, on n'a plus que 2 m! Arrière toute! Trop tard... on sent la quille du bateau rentrer dans le sable et la vase. La remontée des fonds est très abrupte.
Arrière à fond : le bateau ne recule pas, mais pivote un peu. J'insiste car je n'ai pas envie de passer la nuit là, on est en travers du courant qui nous pousse sur le banc, je sens que devant vers l'extérieur du virage il y a de l'eau mais le sondeur ne nous indique plus rien car l'hélice brasse trop de vase. Je remets en avant et petit à petit on se dégage. Le sondeur remarche, les fonds descendent, ce ne sera pas pour cette fois. A la tombée de la nuit, l'ancre tombe devant le village de Niomoune.

Comme les autres villages, il est tres isolé et sans lumière. Il se compose de cinq quartiers espacés de 500 m environ. On y trouve du pain, ce qui est très plaisant. On visite tout ça le premier jour.

Le soir, des pêcheurs nous vendent du poisson pour des prix dérisoires. Le lendemain, on décide d'aller à Itou à ½ heure de marche. Mais entre les deux, donc à 3/4 d'heure de chaque village il y a un bolong à traverser. Il y a deux pirogues mais pas de rames. Chacun doit avoir la sienne.

On patiente une ½ heure et arrive Amboise. Il va chercher du vin de palme dans la brousse de l'autre côté. Il nous fait traverser et nous emmène assister à la récolte. Il y a quatre personnes qui passent la jounée en brousse et qui ne font que récolter du vin de palme qu'ils vendent à ceux qui viennent avec des bidons. Ils grimpent en haut du cocotier, font une incision, mettent un petit entonnoir fait en feuille de palmier et ça coule 24 heures dans une bouteille. Frais, c'est trés bon!
Le lendemain, ça pique un peu en fermentant, après c'est très dur sauf pour nous, vignerons, qui savons goûter des vins pas encore finis. On retrouve des odeurs de fermentation comme dans nos chais aux vendanges.

Bref on goutte à tout, sauf à leur repas de midi (singe grillé!!!!!!) puis on les laisse bosser car demain il y a une cérémonie dans un des quartiers. Il y a un an, un très vieux du quartier décédait. Il devait faire partie des sages. Un an plus tard sa famille doit organiser une fête où tout le monde est invité. Nous aussi on doit venir, nous dit Amboise. La famille fournit du vin de palme en quantité énorme donc c'est du boulot pour nos récolteurs.
On poursuit notre route vers Itou où Amboise nous a demandé de saluer sa tante. On réussit à la trouver à la maternité car elle est matrone. Elle nous fait visiter son village, on mange le riz poisson chez elle, elle nous fait des cadeaux, un genre de petites cymbales, on lui offre du parfum (on en a toujours dans le sac) et son fils se propose pour nous ramener jusqu'au bolong pour nous faire traverser.

Quant on y arrive, les deux pirogues sont de l'autre côté. Il y a un gars qui attend depuis deux heures qu'un pèlerin d'en face ait envie de traverser. Au bout d' 1/4 d' heure une pirogue passe sur le bolong : sympa ! c'est Hyacinthe qui a un campement à Niomoune et qui est le correspondant de VSF en Casamance. Il nous prend d' un côté, nous pose de l'autre et poursuit son chemin dans le bolong. Nous on rentre à bord.
Le lendemain on continue à se balader. On rencontre les instits du village, ils nous invitent à venir les voir à l'école pendant la recré. Toujours beaucoup de gosses, une trentaine par classe. Il y a six classes, une d'initiation plus cinq de primaires comme nous. Ces instits rêvent de créer des partenariats et des échanges avec des classes ou des écoles en France. Si ça intéresse quelqu'un qui lit ce site modeste et génial on a toutes leurs coordonnées.
Le soir on part avec Pierre qui habite au bord du bolong pour aller à la fête. Il faut traverser les rizières à la tombée de la nuit. Tout se passe dehors. On apprend que la famille du défunt est obligée de faire cette comémoration avant d'avoir l'héritage. Tout le village est là, plus des gens qui viennent de loin (Ziguinchor et même Dakar) et ça représente au moins deux cent personnes. Le vin de palme coule à flot. Il est stocké dans des bidons de 100 litres.

On est par groupe de dix à quinze personnes, on prend un récipient genre bassine ou autre, on se sert et on a un verre ou deux pour tous. Et ça tourne. Les proches de la famille ont à manger. On rentre au bout de deux heures avec les instits qui nous ramenent au bateau. Pendant deux jours, on aura pas de pain car les invités de la fête prennent tout. Quand il n' y a plus de vin de palme, la fête est finie.
On restera cinq jours à Niomoune, à se balader, discuter avec les uns et les autres, à manger du poisson frais qu'on achète pour rien aux jeunes du village qui partent pêcher vers 17 h, et à regarder passer le temps.

Hélas on doit partir car dans quinze jours, on a des amis qui arrivent au Cap Vert et on doit y être si possible. Donc on part un samedi à 11 h en emmenant Pierre qui doit se rendre à Dakar et à qui on va faire économiser les dix roros du voyage. En fin d'après midi, on sort de la Casamance et c'est parti pour 42 heures d' une navigation au prés, contre le vent et le courant, à tirer des bords carrés. Pierre tient le coup, mais il est frigorifié : quand je suis en t-shirt, il est en pull et kaway qu'on doit lui prêter, et quand je prends un pull la nuit, il prend ma grosse veste de quart qu'il n'enlève que le lendemain vers midi.

On arrive le lundi en fin de matinée, on reste quatre jours à Dakar à courir partout pour se ré-approvisionner, acheter nos billets retour pour la fin Avril, préparer le bateau pour les 370 miles nautiques qui nous séparent de l'île de Sal au Cap Vert.
Le vendredi 18 janvier, on dérape l'ancre et en route!!
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