Traversee 2

Traversee No 2 du Pjuske


Quand les mouettes ont pied, il est temps de virer !


Emile traine

Tove

Encore Tove

Mouillage

Le Boss

Langouste

Emile

Douanes

Dorade

Cuisine

Courses

Coucher de soleil

Encore un coucher de soleil

Une bouteille à la mer

Belote

1er de l'an !


Lorsque David a ramené le Pjuske des Antilles vers la Bretagne, je l'ai mal vécu. Je me disais qu'il était en train de vivre mon rêve à ma place et tout ça pour une question de boulot.
Après une discussion avec mon frère Bruno, j'ai décidé de refaire en 2000/2001 un aller retour aux Antilles et cette fois de ramener mon bateau en Juin et Juillet 2001.
C'est la grosse période de boulot pour nous, mais Bruno m'a promis qu'il assurerait ça seul : qu'il en soit remercié lui et ses descendants jusqu'à la septième génération.
Donc c'est reparti et dans ce deuxième projet je vais me débrouiller pour qu'Emile soit des deux traversées. Il va manquer un peu d'école et sa mère va râler mais si l'école était plus importante qu'une traversée avec son père ça se saurait.
Le Boss

Le départ se fait le 20 Juillet 2000 et c'est un peu court car le bateau sort du chantier juste une semaine avant suite aux tempêtes de décembre 1999. Le chantier me l'avait promis pour fin Juin mais ils ont eu un peu de retard.
Il y a eu tellement de bateaux cassés à La Rochelle qu'il y en a beaucoup qui ne naviguerons pas cet été. Nous, depuis le mois de Novembre, on a juste navigué le week-end du 14 Juillet, avec Manu J de la première traversée qui est venu nous voir avec Denise sa charmante épouse, mais le bateau a l’air d'être prêt.
Emile

On part Emile et moi direction les Canaries sans escales car Tove doit y arriver en avion dans quinze jours. On largue tout vers dix huit heures et on tire des bords pour sortir du pertuis jusqu'au phare de Chassiron. Mais on a banané un ovni alors on est prêts à affronter la première nuit dans le golfe de Gascogne.
Cette seconde traversée du golfe se passera comme la première : vent puis calme, étoiles filantes, pêcheurs partout puis une heure après on est tout seul, bonne bouffe, lecture, cargos, discussions.
Les quarts se déroulent comme suit : Moi : 12h - 15h, 21h - 00h, 3h - 9h.
Emile : l’inverse.
En fait, je bosse plus la nuit et lui plus le jour.
Le deuxième après-midi un grand bruit nous sort de notre torpeur digestive. Un gros bimoteur nous passe juste à raz des mats. Puis, il revient sur l'arrière. Je le contacte à la vhf : c’est les douanes françaises. On discute un peu de notre voyage puis je leur demande de téléphoner chez nous pour donner des nouvelles, chose qu'ils feront le soir même.
Douanes

J'ai mon antenne vhf qui bat la breloque en haut du mat et j'ai peur qu'elle tombe donc on décide un arrêt express à La Corogne pour réparer.
On retrouve cette ville agréable où nous étions passés il y a quatre ans.
Les poissons et les fruits de mer sont à tous les restos et on en profite.
Par contre, l'antenne est indissociable du fil en haut du mât et il faut tirer tout depuis le poste vhf, donc je la fixe le long du mât avec des colliers risland et ça marche très bien. Le lendemain, on part. Une demi heure après on revient. Les colliers sur le mât empêchent de hisser la voile à fond et on doit toujours avoir un ris. Ca ne gêne pas ce fainéant d'Emile mais je décide de retourner au port pour fixer l'antenne le long d'un hauban. Bien m'en a pris car il y a eu des moments sur la route des Canaries où on a eu besoin de toute la voile. L'antenne est restée à l'envers fixée au hauban plus d'un an jusqu'à notre retour à Bordeaux.
Encore un coucher de soleil

Comme la première fois, le vent est fort au cap Finistère et on est de nuit.
Le vent souffle à trente nœuds mais heureusement de l'arrière mais mon brave pilote autohelm 3000 à courroie a du mal à tenir le bateau donc on barre. Dans la nuit Emile attrape le mal de mer et je dois barrer seul. Vers 6h du matin, il ne va pas fort et on se décide à aller vers Porto qu'on devrait atteindre dans l'après-midi. Mais vers 10h, la mer se calme un peu, Emile se remet en selle et on pointe à nouveau l'étrave vers les Canaries. La nuit suivante, on coupe le rail des cargos vers le cap Da Roca. On est à la voile et c’est toujours impressionnant de voir cette file de cargos et de passer entre deux.

La suite se passe bien à part une matinée sans vent mais avec de la houle. Les voiles battent et ça prend la tête. Le reste du temps on avance mais il faut bien veiller car il y a beaucoup de bateaux en face de Gibraltar. On discute, on cuisine, on regarde les étoiles, on lit, Emile découvre San Antonio le temps passe lentement et c'est bien ainsi.
Cuisine

L'arrivée à Lanzarote sera un grand plaisir. On découvre l'île au petit jour et à 13h on est mouillé à Grasioca, petite île au nord de Lanzarote. Emile nous prépare un super riz mais renverse tout en faisant bonjour à un voilier qui passe. On est très fiers de nous, un peu excités aussi après cette belle croisière de 1300 miles nautiques.

Le lendemain on rallie Arécife car Tove arrive.
Durant trois semaines on visitera Lanzarote, Fuerteventura et Gran Canaria à raison d'une semaine par île. Elles sont magnifiques dès qu'on quitte les plages du sud qui sont surchargées de touristes Allemands et Anglais. L'intérieur des îles est superbe et très sauvage et il n'y a personne. Lanzarote et Fuerteventura sont très volcaniques et les dernières éruptions sont récentes. Gran Canaria est plus vert mais tout aussi grandiose et Las Palmas est une très belle ville.

Les nav sont agréables et courtes sauf une nuit à l'extrême sud de Fuerteventura où le vent est monté à 30 nœuds alors qu'on partait pour Grand Canaria. C'est toujours ainsi dans ce coin et on était prévenu, le vent s'accélère entre les îles qui sont très hautes. Je navigue 5 heures sous artimon à un ris et un bout de génois, grand voile affalée et ça passe très bien.
Tove et Emile rentrent à la maison et moi je continue seul vers Ténériffe où je compte laisser le bateau trois mois à Santa Gruz, la capitale. La traversée se passe bien et je pêche une belle dorade trop grosse pour moi tout seul, je la donne au marinero du port. La première partie de cette transat est finie, on a rien cassé, et je vais aller bosser.

Début Décembre 2000, Tove et moi arrivons à Ténérife. On visite pendant une semaine l’île dans tous les sens, sauf au sud bien sur car on ne parle pas allemand. Mais le centre et surtout le nord sont super avec de bons restos comme on les aime et de belles randos en montagne.

Une semaine après arrivent Bébert, Yvette et Bernard. On passe une semaine tous les cinq à se balader et à préparer le bateau. On monte au Teide, point culminant de l'Espagne, et on touche même un peu de neige entre deux cailloux.
L'équipage de la traversée est composé de Bébert, Bernard, Emile et moi.
Courses

On part les trois hommes faire les courses à Al Campo, le Auchan local, sous le regard narquois des femmes. Mais on s'en sort comme des chefs, on a pensé à tout et il en faut pour quatre gaillards pendant un mois. Les femmes rigolent devant nos 96 œufs mais on mangera tout en 26 jours.
Il y a même un magnifique Serrano qui pend à l'artimon. Le lendemain, Bernard a peur de manquer de nourriture, de saucisson notamment et on repart à Al Campo acheter encore quelques trucs et depuis on appelle Bernard : Monsieur Plus.

Le Samedi, Tove et Yvette prennent l’avion pour rentrer et Emile doit arriver deux heures après. On passe le temps au bar en ville avec Bébert, je lis le journal et je regarde machinalement les arrivées des avions. Rien de Madrid avant plusieurs heures. Pris d'un doute je vérifie : Emile arrive au sud de l'île sur un autre aéroport. On fonce et on l'attrape juste.
On devait partir en suivant mais ses bagages ont étés perdus et ils ne nous seront livrés que le soir à bord. Donc on part le dimanche matin…

Dès le départ, les alizés sont absents, on fait même du près le second jour. Mais on avance quand même un peu. Le mal de mer fait son apparition le troisième jour : d'abord Bernard durant deux jours et Bébert durant un jour. Apres tout ira bien jusqu'à l’arrivée. Les ennuis aussi arrivent vite.

Le premier, c'est un winch bâbord bloqué. Une goupille est tombée au fond et je dois démonter tout par l'intérieur, et commencer par démonter le plafond de la couchette navigateur. Bébert est dehors pour m'aider et tenir les vis de blocage, et c’est ce qui va déclencher son mal de mer.
Coucher de soleil

Le second ennui se passe le matin, pendant que je dors. On fait tourner le moteur tous les jours pendant une demi heure ou plus pour recharger les batteries. C’est Emile qui est de quart et ça ne démarre pas. Je me lève en trombe, les autres aussi. C’est inquiétant car sans batteries on va devoir naviguer sans feux mais surtout barrer 24h/24h. Je démonte le filtre à gasoil et le change, je nettoie le pré filtre, je réamorce tout ça, je purge de la pompe à gasoil jusqu'aux injecteurs et miracle ça redémarre. J'ai du faire un plein à La Corogne ou à Ténérife avec du mauvais gasoil.

Le troisième ennui nous a surpris de nuit. Je suis de quart et tout baigne. Le loch, petite hélice fixée sous le bateau à l'avant pour donner la vitesse est bloqué depuis le départ et j'ai oublié de le nettoyer. De toute façon, le GPS nous donne notre vitesse. J'entends un choc sourd, ou plutôt je le sens mais rien de grave. Le loch est débloqué et marche : je pense avoir heurté un truc qui flottait. Bébert qui me remplace a aussi senti quelque chose.
Une bouteille à la mer

Le lendemain soir, je suis de quart et dans le silence nocturne j'entends un bruit à chaque vague qui passe sous le bateau. Ca vient de la barre, on démonte toute la cabine arrière pour accéder aux poulies et aux câbles : rien. Mais comme il y a un truc, c'est sûr, on arrête le bateau et on se met à la cape jusqu'au matin. Je plonge sitôt le soleil levé et là je vois le gouvernail à moitié cassé.
Toute la partie libre sous la crapaudine bouge le long d'une grosse fissure. On a sûrement heurté une grosse bête, baleine ou autre, qui a touché à l'avant et a cassé le gouvernail en plongeant.
Ca ne peut être un conteneur ou une bille de bois car il n'y avait pas d'éraflure sur la coque entre les deux points du choc. On remet en route et le bateau tient le cap. Pendant huit jours, le bruit va en s'amplifiant et ça me prend tellement la tête que je vais dormir dans la cabine avant, au loin pour moins l'entendre. J’hésite sur la conduite à tenir. Aller au Sénégal à Dakar , mais on a déjà fait de la route vers l'ouest, ou au Cap Vert mais je ne sais pas si il y a de quoi sortir le bateau dans ces îles.
Emile traine

Finalement, on avance et on verra si ça va casser, où et quand. On plonge tous les deux jours pour voir et ça s'aggrave à chaque fois. Huit jours après, de nuit, je suis de quart et je m'endors un peu. Je sais ce n'est pas bien. Tout à coup, je me réveille et instantanément je n'entends plus rien et je comprends que la moitié du gouvernail est parti à l'eau. Un coup d'œil à la boussole et au pilote : tout marche et le bateau tient le cap avec un demi gouvernail. C'est une joie intense et un grand soulagement.

Bien sûr, il faudra réduire la toile quand le vent montera ou que la houle sera forte mais on arrivera en vingt six jours aux Antilles. Compte tenu que la première semaine on a eu très peu de vent, le jour de Noël on a fait 10 milles, c'est une traversée honorable.
On a fêté le soir de Noël avec cadeaux, foie gras et Sauternes.
Le jour de Noël la mer ressemble à un lac. Bébert, Bernard et Emile s'amusent avec la ligne de traîne, ils arrivent à faire venir des dorades coryphènes au ras de la jupe arrière mais pas une qui mord.
Malins, ils en pêcheront deux directement avec le fusil harpon.
Dorade

Ca nous suffit pour quelques repas. Bébert se révèle un chef super pour le poisson. On mange aussi à l'apéro des filets crus, passés au jus de citron vert. Excellent. On en repêchera à la traîne mais passé le milieu plus rien.

Bernard nous régale avec des omelettes géantes, et Emile avec ses carbonaras qui sont célèbres dans le monde entier.
La vie est belle, à quatre les quarts peu nombreux, les points de repère où on se retrouve tous les quatre sont dans l'ordre : météo avec Arielle Cassim à 11h40 puis apéro et repas du midi, puis en fin d'après-midi belote (Bébert et Bernard ont pris des raclées terribles) apéro, repas et coucher de soleil vers 19h. A ce propos, on était à l'heure TU (temps universel) et on reculait la montre d'une heure tous les quinze degrés qu'on faisait vers l'ouest. Donc le soleil se levait tôt et se couchait tôt.
Belote

Pendant une semaine, vers le milieu, on a un oiseau qui est là tous les matins. On l'a surnommé Coco. Il arrive très tôt, reste avec nous 2 ou 3 heures, puis disparaît jusqu'au lendemain.
Je ne sais pas quelle sorte de piaf c'est, en tout cas pas une palombe car Bébert l'aurait reconnue.
Je soupçonne Bébert de dormir pendant ses quarts mais je n'arrive pas à le prendre sur le fait.

Le 31 Décembre 2000, vers midi, un cargo nous rattrape par l'arrière. Personne ne l'a vu venir vu que c'est l'heure de l'apéro.
Emile, qui était de cuisine, le voit en remontant dans le cockpit. Je change vite de cap et branche la VHF. C'est un cargo français qui part en Guyane. Ils nous avaient vu depuis longtemps au radar. Ils enverront un fax chez nous mais il ne sera lu qu'en 2001. Dommage, ça aurait rassuré tout le monde pour le réveillon.

Nous, on a une fois de plus le sauternes et le foie gras ainsi que les cotillons pour fêter le passage à l'an 2001.
1er de l'an !

On arrivera en Guadeloupe le matin à 9h après 26 jours de mer, comme pour la première traversée. Bain à l'îlot Gosier, puis on va au port, resto à midi et Emile prend l'avion dans l'après-midi, école oblige.
Tove et Josiane, la femme de Bernard, arrivent le lendemain, tout a été bien calculé.

Huit jours plus tard, on se trouve seuls, Tove et moi, pour trois semaines. Le gouvernail est neuf et le réservoir de gasoil vidangé et nettoyé. Il avait un sale air et c’est incroyable que le moteur ait pu tourner avec cette soupe.
Mouillage

On part vers Marie Galante quelques jours puis on ira au nord d'Antigua où on trouve encore des mouillages déserts. J'y attraperais même une langouste ce qui est de plus en plus rare.
Langouste

De là, on part en Martinique sans se presser par la côte sous le vent de la Guadeloupe, les Saintes, la Dominique. Un mois, ça passe vite et Tove doit rentrer.
Tove

Je reste un mois à me balader entre Sainte Lucie et la Dominique. La belle vie quoi.
Encore Tove

Puis direction la Guadeloupe où je prépare le bateau pour la transat retour. Je pars bosser en Mars et Avril.